Une base arrière des Américains

Les États-Unis entrent en guerre contre l’Allemagne le 6 avril 1917. Si la nouvelle est accueillie avec enthousiasme, y compris dans le Morbihan, les Américains doivent préparer leurs troupes au conflit. L’objectif des autorités est d’envoyer en Europe une armée totalement indépendante des armées alliées et de la rendre opérationnelle : former les hommes et s’installer sur le territoire. Le département du Morbihan contribue à cet objectif en devenant une base arrière des Américains. Les premières troupes arrivent sur le sol français le 26 juin 1917 par Saint-Nazaire. Ce port est  une des deux bases, avec Brest, que les Américains utilisent largement durant toute la durée de leur présence en France (près d’un million d’hommes débarqués au total). Un projet de port en eau profonde est également envisagé dans le Golfe du Morbihan dès août 1917. Prévu en aval de la pointe du Blair à Baden, il n’est jamais réalisé.

Deux camps d’entraînement : Meucon et Coëtquidan

Après leur débarquement, les troupes sont dirigées vers des camps d’entraînement pour compléter leur instruction. Dans le Morbihan, ce sont les camps de Meucon et de Coëtquidan qui sont aménagés afin d’accueillir des unités américaines. Disposant de champs de tir, ils permettent la mise en place d’écoles d’artillerie. Mis à leur disposition par les autorités françaises, ces camps sont adaptés selon les souhaits de leurs nouveaux occupants, de même que le territoire qui les entoure et ses infrastructures : routes, ports, voies ferrés et gares. Celui de Meucon accueille ainsi jusqu’à 8 000 hommes à partir d’avril 1918. Quant à celui de Coëtquidan, il reçoit ses premiers artilleurs américains dès l’automne 1917. Les deux camps sont utilisés par les troupes U.S. jusqu’en juin 1919.
La présence américaine se manifeste également par une participation à la surveillance des côtes et à la guerre sous-marine. Les Américains intègrent le dispositif de défense en prenant possession des postes de l’Ile-Tudy, du Croisic, de Quiberon et de Paimboeuf. En mars 1918, l’US Navy lance également la construction d’un centre de fabrication et de maintenance de ballons captifs à La Trinité-sur-Mer. Mais ce dernier, jamais mis en service, est démonté dès janvier 1919.

Une cohabitation tout en contrastes

Pendant plus d’un an, ce sont ainsi des milliers de soldats américains qui sont au contact de la population morbihannaise. Cette cohabitation entraîne des réactions contrastées.
Les autorités cherchent à maintenir de bonnes relations avec les troupes U.S. en les conviant régulièrement à des cérémonies organisées en leur honneur. Elles sont l’occasion pour la population de montrer sa sympathie comme lors de la fête nationale américaine le 4 juillet 1918. Ces bonnes relations sont également entretenues par l’armée américaine qui organise elle aussi des manifestations comme des concerts dans le parc de la préfecture à Vannes ou la fête de Thanksgiving par exemple.
La présence américaine n’est cependant pas toujours positive. Les abords des camps de Meucon et de Coëtquidan voient ainsi se développer prostitution et marché noir. L’attitude de certains soldats, liée en particulier à l’ivresse et au relâchement de la discipline avec la fin de la guerre, crée aussi un sentiment de terreur chez les habitants : dégradations, vols et quelques viols sont déplorés. Les autorités françaises et américaines cherchent cependant à limiter les débordements en assurant une surveillance des soldats et en traitant rapidement les réclamations. Enfin, les réquisitions de matériel, les multiples expropriations nécessaires à l’extension des camps, et les dégradations des infrastructures routières créent également un certain ressentiment vis-à-vis des Américains.
En définitive, le département profite de la présence américaine pour moderniser ces infrastructures notamment autour des camps de Coëtquidan et de Meucon. Et les Morbihannais, conscients des raisons de cette présence, rendront hommage au sacrifice de ces soldats en érigeant un monument commémoratif « La Borne de Terre Sacrée » sur le récif de Guernic en 1931.

Des sources sur la présence américaine à exploiter

Les Archives départementales conservent de nombreux dossiers sur la présence américaine dans le Morbihan lors de la première guerre mondiale. Les relations avec les populations locales sont en particulier évoquées dans les archives des communes proches des camps américains (série 3 ES), les dossiers relatifs à la surveillance des soldats et au maintien de l’ordre public (série M) mais aussi la presse d’époque (documents numérisés disponibles sur le site internet des Archives départementales). Les traces matérielles  de cette présence se retrouvent dans les dossiers produits pour les multiples travaux d’infrastructures (séries R et S).
Par ailleurs, les Archives du Morbihan ont reçu en don une copie numérique de photographies du camp de Meucon en 1915 prises par le lieutenant d’artillerie Octave Longuet. Cet ensemble constitué d’une quarantaine d’images numérisées contient également des vues des environs de Vannes à la même époque. Il est conservé sous la cote 80 Fi.

Sources 

  • PB 2845. - Archives départementales du Morbihan, Les Morbihannais dans la Guerre 14-18, Vannes, 2014
  • HB 5878. - Le Roy (Thierry), La Guerre sous-marine en Bretagne – Victoire de l’aéronavale, Bannalec, 1990
  • IB 179. - Le Ray (Jean), « Les Américains au camp de Meucon » in Le Morbihan et les Morbihannais en 1914-1918, Vannes, Société polymathique du Morbihan, 2015
  • 4 S 1351. - Projet de l’État-major américain et de la Marine française de construction d’un port en eau profonde à Baden (1917-1922)
  • 3 ES 132/8. - Construction du camp américain du Reste-Locqueltas à Meucon (1917-1918)
  • 3 ES 6/18. - Expropriations pour le camp de Coëtquidan (1909-1950)
  • R 1412. - Construction d'un centre américain de ballons captifs à La Trinité-sur-Mer (1918)
  • R 1464. - Dommages causés par l'armée américaine (1918-1924)
  • 4 M 68-72. - États sommaires des arrestations opérées et des crimes, délits et événements constatés par les brigades de gendarmerie (1914-1940)
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