Lutte contre la tuberculose, un fléau national

La tuberculose est une maladie contagieuse causée par une bactérie appelée bacille de Koch, en référence au docteur Robert Koch (1843-1910) médecin allemand qui l’a mise en évidence en 1882. Cette maladie a touché en premier lieu les bovins, puis, selon les études menées, s’est transmise à l’humain par ingestion de lait ou de viande infectés. Elle atteint majoritairement les poumons, provoque de fortes fièvres, une toux chronique et des difficultés respiratoires. Chaque année, en France, entre la fin du 19e et au 20e, on compte des dizaines de milliers de victimes ; en 1907 on dénombre près de 91 000 décès.

Une lutte qui s’organise pendant la Grande Guerre

Lorsque la Grande Guerre éclate, la tuberculose fait déjà des ravages. Après deux ans de conflit il devient urgent d’endiguer l’épidémie qui sévit dans les rangs de l’armée française. La défense nationale est en jeu, de nombreux soldats sont réformés. Le 15 avril 1916, la loi «Léon Bourgeois » marque le début de l’intervention de l’État dans la lutte contre la maladie. Elle impose la création de dispensaires d’hygiène sociale et de lutte antituberculeux. Dans le même temps un comité central d’assistance aux anciens militaires tuberculeux est créé. L’objectif est de pouvoir soigner les blessés de la tuberculose avant qu’ils ne retournent dans leur famille, et surtout, d’organiser un réseau de lutte active sur l’ensemble du territoire français,  notamment par la création d’associations.C’est le cas dans le Morbihan où est créé le « Comité départemental d’assistance aux militaires réformés pour tuberculose depuis le début de la guerre ». Des dispensaires sont également créés ; le premier ouvre à Vannes, à l’hiver 1918, avec le concours de la Croix-Rouge américaine. Il est situé avenue Victor Hugo et les consultations sont réparties sur toute la semaine, de façon à ce que toute la population puisse s’y rendre. Des infirmières visiteuses peuvent se déplacer chez les personnes les plus atteintes. Le personnel soignant ne dispose d’aucun remède ayant des effets sur la tuberculose.

Les seules armes sont l’éducation de la population à l’hygiène, l’isolement des malades, lorsque c’est possible, et le service de désinfection des lieux d’habitation. Mais, dans les milieux populaires et en ces temps troublés, difficile de sortir la population d’habitats insalubres et d’appliquer les conseils des infirmières. Des guides pratiques sont toutefois édités, comme par exemple celui du docteur Follet en 1916 : Les blessés de la tuberculose. Ce que tout le monde doit savoir pour se préserver et guérir. La pratique des moniteurs d'hygiène. Visiteurs et visiteuses à domicile. Des affiches sont également placardées.

On y retrouve un postulat souvent repris par les médecins et les pouvoirs publics : pour lutter contre la tuberculose, il faut lutter contre le triptyque « logement insalubre, méconnaissance des règles d’hygiène, alcoolisme ».

L’importance des initiatives locales

La fin de la guerre va être marquée par la nécessité de prendre en charge les militaires qui reviennent du front et leur famille. Il faut éviter la contagion et pour ce faire, il faut isoler les soldats avant leur retour à domicile. La loi Honorat du 7 septembre 1919 impose la création de sanatoriums dans tous les départements ou des accords avec les départements limitrophes.

Des initiatives locales ont déjà été entreprises. Dès 1915, le préfet demande la mise en place de sanatoriums de fortune destinés à accueillir les militaires réformés avant le retour dans leur famille. Un projet de création est évoqué à Sainte-Anne-d’Auray. En 1918, l’Union Mutualise du Morbihan créée un sanatorium destiné aux enfants de marins, auquel s’ajoute le préventorium forestier des Pins pour permettre aux enfants âgés d’1 à 4 ans, considérés comme prédisposés au mal, de passer quelques semaines au grand air pour renforcer leur organisme. Au cours de l’été 1919, 800 enfants passent un séjour au centre de Kerpape à Ploemeur.

Les initiatives vont se développer après-guerre, notamment la collecte de fonds ainsi que l’ouverture de maisons de cures et de dispensaires privés pour accueillir les soldats. Le comité d’assistance aux militaires est remplacé par  le « comité départemental de défense contre la tuberculose du Morbihan » (CDDT56) en novembre 1919. Cette association, subventionnée par le Conseil général, a pour missions l’information antituberculeuse, la gestion et la création de dispensaires et la coordination des organismes de lutte contre la tuberculose.

En 1920, il gère deux dispensaires, Vannes et La Roche-Bernard (dispensaire privé subventionné par le comité), et la maison de Cure de Moncan à Auray. En 1922, cinq dispensaires supplémentaires ont ouvert leurs portes : Lorient, Pontivy, Auray, Ploërmel et Hennebont. Bien que Lorient soit géré par un comité local, le « comité lorientais de lutte contre la tuberculose », le CDDT suit son fonctionnement jusqu’en 1936. C’est à cette même période que le préventorium de Plumelec est édifié, afin de recevoir les enfants âgés de 4 à 16 ans.

L’arrivée du vaccin

C’est dans ce contexte troublé qu’Albert Calmette et Camille Guérin vont découvrir le sérum qui permettra de débuter une lutte « armée » contre le fléau. Les recherches ont débuté en 1900 avec la mise en culture du bacille de Koch, prélevé sur des bovins. Après treize ans de recherches, le sérum est administré à des animaux atteints ; peu à peu les deux hommes constatent que la bactérie perd de sa virulence, les animaux résistent à la maladie jusqu’à en être immunisés.

En juin 1921, les deux chercheurs obtiennent l’autorisation de tester leur précieux sérum sur un nourrisson de quelques jours dont la mère est décédée des suites de la tuberculose. C’est un succès ! Le bébé se porte bien et ne développe aucun symptôme. Le vaccin n’est pas réalisé par injection, car selon Calmette celles-ci « seraient difficilement acceptées par les familles » et provoqueraient des réactions cutanées chez le nouveau-né. Le vaccin est donc administré par voie buccale dans les 10 jours suivant la naissance du bébé. L’édition du Nouvelliste Morbihannais du 24 novembre 1921 fait écho de cette découverte.

Entre juillet 1921 et juillet 1924, en France, 317 nouveau-nés sont vaccinés, dont 67 enfants grandissent en milieu contaminé. En 1927, on dénombre 15 décès mais 1 seul dû à la tuberculose.

Réaffirmant le succès du B.C.G., l’Académie de médecine et le Conseil national des médecins donnent leur accord pour la diffusion du sérum au niveau national dès 1924.

Dans le Morbihan, une circulaire préfectorale du 25 septembre 1924 recommande la vaccination de tous les nouveau-nés. Cependant, il faut attendre 1927 pour que tous les professionnels et organismes de santé fassent usage du vaccin de manière préventive. Dans les dispensaires morbihannais, les bébés nés en milieu contaminé sont systématiquement vaccinés. En 1928, un sondage est réalisé auprès des médecins, sages-femmes, hôpitaux et hospices morbihannais. Sur 70 réponses, environ 50% font état de vaccinations de nourrissons. On constate encore quelques décès mais dûs à d’autres pathologies.

La vaccination BCG devient un réel devoir national. Cette mesure est d’autant plus capitale dans le Morbihan qui se place, avec 1 263 décès en 1933, au 4e rang des départements français atteints par la tuberculose. La région du Faouët est la plus touchée.

Pour faciliter sa démocratisation, Albert Calmette et Camille Guérin n’ont pas souhaité déposer de brevet. L’Institut Pasteur délivre les doses de sérum gratuitement sur simple demande écrite. Dès 1925, le timbre antituberculeux est institué en France afin de financer la fabrication du vaccin et d’aider à la lutte antituberculeux. Il est au cœur d’une propagande nationale qui rappelle les bons gestes pour se prémunir de la maladie, il est un des outils pour l’éducation sanitaire. Peu couteux, il est accessible à toutes les bourses et permet à chacun de participer à la lutte.

La vaccination ne devient obligatoire qu’en 1950. Malgré les progrès en hygiène et en amélioration de l’habitat, la maladie recule mais n’est pas éradiquée. À l’heure actuelle le B.C.G. est le vaccin le plus administré dans le monde.

Des sources variées

La lutte contre la tuberculose s’étend sur toute la durée du 20e siècle et se poursuit au 21e. Les sources sont donc nombreuses.

Les fonds des institutions d’assistance et de santé publique antérieurs à 1940 sont la première ressource importante. Un certain nombre de dossiers traite du sujet au sein de la sous série 5 M et de la série X. On y trouve notamment les archives du comité départemental d’hygiène qui fournissent des informations sur la mise en place des mesures sanitaires : règlements communaux, enquêtes sur le taux de mortalité, désinfection. Quelques dossiers traitent de l’assistance aux militaires, des projets de sanatorium et préventorium, de la vaccination et comportent les statistiques des dispensaires.

Les recherches peuvent être poursuivies dans les fonds après 1940 en série W. Là encore plusieurs administrations sont concernées par le sujet : la préfecture, la direction de affaires sanitaires et sociales du Conseil général, les établissements hospitaliers et les établissements d’enseignement.

L’organisation de la vaccination est confiée à partir des années 1950 aux communes. Les archives déposées des communes du Morbihan comportent très souvent des dossiers relatifs à la vaccination.

Enfin, les archives privées sont aussi une source particulièrement importante avec le fonds du « Comité départemental de défense contre la tuberculose du Morbihan » (210 J) qui retrace toute l’existence de l’association : son fonctionnement, le suivi des dispensaires et qui contient les archives du préventorium de Plumelec.

Sources consultées 

  • X 209. - Sanatorium de Kerpape, administration et comptabilité, 1917-1923
  • X 553. - Sanatorium de Kerpape, administration et comptabilité, 1924-1934
  • X 243. - Assistance aux militaires tuberculeux.
  • X 709. - Dispensaires antituberculeux, statistiques, 1935-1940
  • X 710. - Dispensaire de Lorient, statistiques et correspondances 1925-1936
  • 5 M 58-59. - Conseil départemental d’hygiène, compte rendus des délibérations, 1852-1937
  • 5 M 102. - Création d'un service de désinfection des maisons après épidémies, rapports de fonctionnement, réglementation, nomination du personnel, 1906-1933
  • 5 M 126. - Vaccination B.C.G, Circulaires et instructions, propagande, correspondance, 1928- 1933
  • 210 J 1-2. - Statuts et déclaration de création des comités départementaux, 1916-1919
  • 210 J 48. - Photographies des dispensaires morbihannais, [1921-1950]
  • KB 5744. - FOLLET (Dr), Les blessés de la tuberculose. Ce que tout le monde doit savoir pour se préserver et guérir. La pratique des moniteurs d'hygiène. Visiteurs et visiteuses à domicile, impr. Bretonne, 1916.
  • RB 3305. - SERVEL (Dr), PRUNETEAU, LABES (E.), Création d’un institut marin pour la prévention de la tuberculose pulmonaire et le traitement de la tuberculose osseuse et ganglionnaire, impr. J. Jumel, 1917.
  • JO 229.- Le Nouvelliste du Morbihan, 1917-1924
  • RB 4314. - MOURET (A), L’imagerie de la lutte contre la tuberculose : le timbre antituberculeux, instrument d’éducation sanitaire inLes Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 1994.
  • HB 12971. - CHARBONNEAU (Claude), Kerpape, 100 ans d’histoire, du sanatorium au centre de rééducation fonctionnelle, [S.l.] : [s.n.], 2014.
  • PER 135. - VIET (Vincent), La grande Guerre et la lutte antituberculeuse in La revue d’histoire de la protection sociale, n°9, 2016.
  • Statistique des décès par tuberculose en 1907, France-Direction de l’assistance et de l’hygiène sociale, 1907, disponible sur le site gallica.bnf.fr
  • La vaccination préventive de la tuberculose par le BCG (Bacille Calmette-Guérin), A. Calmette, 1928, disponible sur le site gallica.bnf.fr
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