Le couvent des cordeliers

En 1260, sous l’impulsion de Jean 1er le Roux, duc de Bretagne, une maison de Frères mineurs, appelés plus tard cordeliers, s’établit à Vannes. Il s’agit de la plus ancienne communauté religieuse implantée dans la cité vannetaise mais la quatrième en Bret

L’ordre des Frères mineurs, un des quatre grands ordres mendiants, tire son origine de François d’Assise qui en pose les bases vers 1209-1210. Renonçant à une vie aisée et confortable, celui-ci désire en effet vivre à l’image du Christ, dans une pauvreté totale.

C’est le premier précepte des Franciscains qui prônent une pauvreté individuelle mais aussi collective sans doute en réaction à l’enrichissement considérable des abbayes cisterciennes et bénédictines fondées au 12e siècle. Les premières règles établies de la communauté défendent d’ailleurs aux membres de posséder un quelconque bien en propriété pure et simple. La possession d’argent y est également proscrite. Cependant, et pour faire face aux réalités du monde, une bulle pontificale de 1230 vient nuancer ces interdictions en incluant le concept de l’usage de biens, le distinguant de la propriété. Ce texte autorise également les frères à recevoir des aumônes et à utiliser l’argent reçu. Cette question fondamentale de la pauvreté est à l’origine d’une scission et d’une querelle entre les plus rigoristes, désignés sous le terme de « spirituels », et les modérés appelés « conventuels ». Le sens des réalités et des nécessités du monde font finalement triompher les conventuels, le conflit s’épuisant au cours du 14e siècle.

Des prédicateurs de talent

Le deuxième précepte de l’ordre, véritable mission, est l’évangélisation par la prédication. Certains membres de communautés, chacune dirigée par un « gardien », sont donc nommés et désignés prédicateurs. Il revient à ces frères de parcourir le territoire pour prêcher auprès des populations. Cette pratique connaît un grand succès aux 14e et 15e siècles. Le discours est en effet construit pour s’adapter aux publics (usage de langues vernaculaires…) et est agrémenté de nombreuses paraboles, historiettes et anecdotes qui impressionnent et attirent l’attention. Tout cela est notamment rendu possible par la formation des frères mineurs qui suivent bien souvent une formation théologique poussée dans les universités et en ressortent gradués avec le titre de bachelier, maître ou docteur. La popularité des frères est telle que les fondations de messe (NOTE) affluent de la part des riches bourgeois et de la noblesse locale. En 1598, le roi Henri IV lui-même constitue une rente de 50 livres par an au profit du couvent pour la récitation de prières.

Une implantation au pied des remparts

La maison des Frères mineurs de Vannes s’implante au sud-ouest de la cathédrale, hors les murs, juste devant la vieille enceinte romaine. Ce type de lieu est classique de l’implantation franciscaine au 13e siècle. Le terrain en question relève de la seigneurie de Kaer et appartient à Eudon, seigneur dudit lieu et baron de Malestroit. Ce dernier est d’ailleurs considéré comme le second fondateur de l’établissement après le duc. La communauté nouvellement installée s’intègre parfaitement dans un faubourg en plein essor au sud de l’ancien castrum. Rien ne subsiste des bâtiments primitifs mais ils devaient s’organiser autour d’un cloître carré, accompagnés d’une église. Les cordeliers jouissaient également d’une partie du rempart, ainsi que des anciennes douves réhabilitées en jardin après le don que leur fait le duc à la fin du 14e siècle. La jouissance de ces douves est immédiatement contestée et Jeanne de Navarre, veuve du duc et régente pour son fils, ordonne une enquête dès 1400. Il semble que cette procédure ait donné raison aux Franciscains qui conservent par la suite ce terrain. À cette date, le couvent est inclus dans la nouvelle enceinte fortifiée édifiée à cette même période. En plus de quelques autres terres disséminées aux alentours, les gouverneurs de Vannes octroient aux frères au cours du 17e siècle la disposition du bastion de Kaer ou de Brozillay. Claude de Lannion, gouverneur des ville et château de Vannes, confirme d’ailleurs ce droit en 1666.

Le soutien des Puissants

Les ducs puis les rois ont toujours soutenu la communauté comme en témoigne le nombre assez important de lettres de privilèges et de sauvegarde conservées. Le couvent est ainsi exempté de tous impôts, taxes, péages ou autres servitudes. Le Saint-Père, également grand protecteur de l’ordre et des Mendiants en général, fulminer (NOTE) plusieurs bulles de privilèges et d’indulgences. C’est par ce biais que la communauté de Vannes obtient le droit d’avoir son propre cimetière ainsi que le droit d’inhumation, droit qui n’est pas sans provoquer quelques frictions avec les paroisses de la ville. Le duc Arthur II et Yolande d’Anjou, femme de François 1er, comte de Montfort qui devient par la suite duc de Bretagne, sont d’ailleurs enterrés dans l’église des cordeliers, de même que Jean de Malestroit, seigneur de Kaer, et Jeanne son épouse.

Des bâtiments soumis aux outrages du temps

Le délabrement continuel des bâtiments oblige les cordeliers à engager d’importants travaux. En 1637, un procès-verbal fait état de réparations ou plutôt de reconstructions à effectuer. Finalement, et outre les réparations urgentes à faire sur l’existant, un nouveau corps de logis est construit au nord de l’enclos avec l’aide de la municipalité et du roi qui offrent respectivement 3 000 et 1 000 livres de secours. Devenu une demeure privée, c’est le seul bâtiment encore existant aujourd’hui.

Un siècle plus tard, vers 1734, le grand pavillon du vieux couvent menace ruine et de grandes réparations sont lancées. Malgré cela il s’écroule totalement et doit être reconstruit. Ces travaux débouchent sur l’édification d’un bâtiment perpendiculaire à l’église qui longe le cloître et rejoint le corps de logis principal construit en 1637. Il ne semble pas y avoir eu de changements importants par la suite. La seule déclaration des biens possédés par les frères sous le domaine de Vannes en dresse l’état suivant le 24 avril 1677 :

«  Une maison et couvent sittués en la ville close dudit Vennes consistant en leur maison et couvant proche les murailles de ladite ville donnant d’un bout à maison et jardin apartenants à Monsieur de Lomaria, conseiller en la cour, un petit jardin au derriere et joignant la muraille de la ville, un jardin au-devant dudit couvent et joignant à l’ancienne muraille de la ville dudit Vennes, maisons et jardins du seigneur presidant dudit Vennes et à dame Nicolle Cillart, dame de Couettec, de l’autre costé à l’eglize dudit couvent, les anciens logemant et cloistre au proche de ladite esglize et le passage et sortye dudit couvent par une grande porte au proche de la muraille de ladite ville, le semitiere au proche de ladite esglize et entrée d’icelle, les portes et entrée audit symetiere donnant de la rue Saint-François.

Un jardin au roche dudit symitiere et y joignant d’un costé et de l’autre costé vers le levant à maison apartenante à dame Jacquette Morice, dame du Boterff, autre fois au seigneur presidant Morin, de l’autre costé ausdittes murailles de la ville et du bout vers midy aux logemants à ladite dame du Boterff, contenant ledit jardin nommé au presant article douze cordes avecq les protestations de se pourvoir contre les usurpations et prejudice leur faictes comme ils voiront.

Qu’ils ont droit de disposer du bastion estant sur la muraille au boult dudit jardin, lequel bastion est derriere la maison de messire Jullien Gibon, seigneur du Grisso, par consession des seigneurs gouverneurs dudit Vennes, sans desroger aux droicts du roy, ny de la ville.

Le surplus est don et maison ducalle conceddée par nos ducs heureuses memoires, avecq amortissementz des mesmes choses ».

À l’instar des autres communautés religieuses, le couvent de Frères mineurs est fermé à la Révolution et ses biens saisis. L’administration du département envisage un temps d’installer ses bureaux dans ces bâtiments mais ceux-ci sont finalement vendus. Hormis le logis principal, l’ensemble bâti est détruit comme le montre le plan cadastral de 1844.

Le couvent des cordeliers dans les archives départementales du Morbihan

Le fonds d’archives du couvent des cordeliers de Vannes est conservé sous la cote 49 H pour un volume d’environ 2 mètres linéaires. Il demeure pour l’heure non classé mais dans un certain ordre chronologique. Les titres de création et dotation du couvent ont été perdus mais une remarquable série d’actes de fondation de messes et procédures y afférents est conservée depuis le 15e siècle, ce qui montre le succès de la parole apportée par les Franciscains. En outre, le fonds compte notamment un inventaire des actes établi au 18e siècle, des extraits de rentiers, un registre des sépultures, un registre des recettes ou encore un extrait de recueil de formules dont certaines sont dédiées à la prédication. De nombreux papiers de gestion et de la correspondance sont enfin disséminés à travers les quinze articles d’un fonds pour le moment assez peu connu ou étudié, tout comme ceux des autres ordres mendiants installés dans le ressort de l’actuel Morbihan (Dominicains, Carmes, Augustins…).

Sources consultées

  • 49 H 1-15. - Fonds du couvent des frères mineurs de Vannes, 1308-1789.
  • HB 8227. - Aquilina (Manuelle), « Dans ou hors les murs : les couvents franciscains de Vannes et de Quimper », in Religion et mentalités au Moyen-Âge : mélanges en l’honneur d’Hervé Martin, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2003, pp. 145-157
  • HB 11186. - Beriou (Nicole), et Chiffoleau (Jacques) (dir.), Économie et religion : l'expérience des ordres mendiants, (XIIIe-XVe siècle), Presses universitaires de Lyon, Lyon, 2009
  • KB 2998. - Le Mené (Joseph-Marie), Les cordeliers de Vannes, Vannes, s.d.
  • HB 3124. - Martin (Hervé), Les ordres mendiants en Bretagne (vers 1230-vers 1530). Pauvreté volontaire et prédication à la fin du Moyen-Âge, Klincksieck, Paris, 1975

Note de l'auteur

  1. Demande de services religieux moyennant finances.
  2. Fulminer : Publier avec certaines formalités.

Des cordeliers ?

Ces religieux sont ainsi nommés à cause de la cordelière à trois nœuds qu’ils portent autour de leur taille, symbole de la pauvreté.

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