Le Palais des archives

Avant d’avoir un bâtiment qui leur soit uniquement dédié, les archives ont dû se faire une place, tant bien que mal au sein d’autres bâtiments. De 1790 à 1793, elles sont entreposées dans l’ancien couvent des cordeliers avec l’administration départementale. Cependant, ce bâtiment devient rapidement insalubre. En 1793, elles sont installées au Palais de la Motte, l’ancien évêché, dans le grenier au-dessus des écuries. Puis en 1866, elles occupent l’aile gauche de la préfecture jusqu’en 1921, date à laquelle un nouveau bâtiment auprès de la préfecture, rue Alain Le Grand, est livré. Commencée en 1910, la construction connaît quelques revers et imprévus. Retour sur les péripéties d’un chantier.

Détail de l'affiche d'adjudication des travaux, 1911. Archives départementales du Morbihan, N 783

Des archives en péril

« Tous ici nous avons à cœur de donner à ce livre d’or d’un passé glorieux, auquel chacun tient aujourd’hui à ajouter sa page, l’écrin digne d’en abriter le précieux dépôt.1 » rapporte M. de Gouyon, lors d’une session du conseil général. Le souhait des conseillers est de construire un bâtiment à la hauteur de l’importance des archives L’urgence est forte, le bâtiment d’alors présente des risques d’effondrement et d’incendie. De plus, l’archiviste déplore « une perte de temps pour les employés qui ont une recherche à y faire2 » tellement les fonds sont mal rangés, faute de place. Le local est en effet saturé, les fonds ne cessant de s’accroître et il est impossible de recevoir de nouveaux documents. 
Le projet, évoqué dès 1906, se met véritablement en place en 1909. La localisation, l’aspect extérieur mais aussi l‘aménagement intérieur de l’édifice font l’objet d’âpres négociations entre tous les acteurs concernés que sont le préfet, les élus du conseil général, l’archiviste et l’architecte. Ces deux derniers en sont les principaux négociateurs.
 

Concilier utilité et esthétisme

En 1906, l’architecte, Armand Charier, affirme déjà que toute forme de luxe sera bannie du bâtiment et qu’il est « appelé à durer longtemps tout en supportant des charges considérables3. » L’important est de construire un édifice qui permet de réduire les risques d’incendie comme le prescrivent des circulaires4, les bâtiments affectés à la conservation d’archives doivent être établis dans des conditions d’isolement qui constituent les meilleures mesures de préservation contre l’incendie. Il est alors décidé que le bâtiment sera construit en béton armé, système Hennebique, qui assure incombustibilité et incorruptibilité.
Le choix de l’emplacement a demandé temps et réflexion. « Combien de fois n’avons-nous pas parcouru le parc de la préfecture, de la rue de la confiance, à la rue de la Garenne, en quête de l’endroit désirable qui devait laisser nos archives à la portée des autres services de la préfecture, en l’isolant de tout voisinage pouvant créer le danger d’incendie, et donnant à la fois sécurité, surveillance, confort et étendue5. » L’emplacement est fixé rue Alain Le Grand dans le jardin potager de la préfecture. 
L’architecte soigne l’esthétisme afin que son aspect ne porte pas préjudice au bâtiment de la préfecture. « Il serait fâcheux de construire à la suite de la monumentale préfecture un bâtiment à l’aspect trop industriel6. » Les critiques ne manquent pas au projet : pour certains une façade trop imposante au bord de la rue masquerait l’hôtel de la préfecture. La décision de reculer l’édifice à 6 mètres de la rue semble alors être un bon compromis. 
De plus, les points de vue diffèrent entre l’archiviste et l’architecte. Pour ce dernier un bâtiment à côté de la préfecture doit être beau, et s’il suivait les directives de l’archiviste « les façades auraient l’aspect d’une boite à mouche7 ». Pour l’archiviste, le coté utilitaire prime : un dépôt rectangulaire avec des baies « aussi élancées que rapprochées8 ». Les points de vue se rejoignent cependant sur l’avenir de l’édifice pour lequel une extension doit être possible. « Le présent et l’avenir seraient ainsi sauvegardés dans les meilleures conditions9. » 
 

Une construction pleine de péripéties

En 1910, la construction commence. L’architecte doit faire face à des difficultés. Le terrain est humide et en contre-bas la rue présente une déclivité conséquente, le bâtiment s’étendant jusqu’au ruisseau du potager. Il faut alors établir des fondations « difficiles et coûteuses10 ». En 1912, le chantier prend du retard à la suite de malfaçons de l’entrepreneur sur les fondations, un procès est engagé. S’ajoute une interruption des travaux de maçonnerie pour cause de grève. En 1913, les fondations sont achevées, mais le bâtiment tarde à s’élever. Le déclenchement de la première guerre mondiale met un terme à la construction.
En 1919, les conditions de conservation des archives au sein de la préfecture se sont aggravées. Bien que le prix des matières premières ait augmenté, le conseil général vote une enveloppe budgétaire en vue de l’achèvement total du nouveau dépôt. Jules Bardet en est le nouvel architecte. Pour l’archiviste, Jules de La Martinière, l’édifice ne sera pas seulement un beau bâtiment mais aussi un modèle de conservation des archives.
En 1921, le bâtiment est achevé. Le déménagement s’effectue en vingt jours de façon méthodique, avec un classement réalisé dès l‘arrivée des documents et une communication, aux administrations comme aux particuliers, qui ne s’est pas arrêtée. L’archiviste ne tarit pas d’éloges : « dois-je remercier le conseil général d’avoir installé le dépôt des archives départementales dans un beau local, si beau qu’une partie du public lui donne le nom de palais des archives, non sans une pointe d’étonnement de voir un Palais abriter de vieux débris ?11 » Cependant l’aménagement intérieur est loin d’être terminé : « le nouveau dépôt donne toute satisfaction à beaucoup d’égards. Il parait cependant regrettable que, faute de crédit suffisants, l’aménagement de la salle du public, du bureau de l’archiviste et  des salles de classement n’ait pu être entrepris. Quiconque entre aux archives ne peut manquer d’être surpris par le contraste des riches ou florifères vues de l’extérieur avec, à l’intérieur, la nudité des plâtres et de l’indigence du mobilier12. » L’archiviste déplore que beaucoup d’installations soient défectueuses, les fermetures fonctionnent mal, les stores ne permettent pas d’avoir des températures vivables l’été, il n’y a pas non plus de monte-charge pourtant si essentiel pour la communication et le traitement des dossiers.
 

Un aménagement au compte-goutte

L’année suivante, même constat. Des meubles à fiches, des tables, des chaises, un bureau, de stores extérieurs sont installés. Mais il n’y a pas d’éclairage dans les pièces, le monte-charge n’a pas été livré et semble-t-il ne le sera jamais, les ouvertures fonctionnent mal et le plâtre est taché par la pluie qui entre aux fenêtres faute d’une bonne isolation.
C’est finalement en 1927 que l’électricité est installée dans la salle du public et dans le bureau de l’archiviste, ce qui permet d’élargir les horaires d’ouvertures. De nouveaux rayonnages sont aussi ajoutés. Il faut attendre 1931 pour que des extincteurs soient posés, que les fenêtres soient repeintes et réparées contre l’infiltration d’eau. Des problèmes de chauffage sont constatés. En 1935, un appareil d’utilisation de grains de charbon pour le chauffage central dépose de la poussière de charbon sur les documents et ce n’est qu’en 1937 que toutes les liasses sont nettoyées. 
Après dix ans d’attente pour l’édification, il faut encore attendre des années afin que l’aménagement intérieur soit définitif et que les problèmes d’isolation soient réglés. Les rapports de l’archiviste témoignent de ses efforts et sa détermination pour que les locaux puissent être dignes des collections qu’ils conservent. En 1940, les archives bénéficient de l’aide militaire : les documents les plus précieux sont mis sur des rayonnages au rez-de-chaussée pour les protéger en cas d’incendie, « afin de constituer des blocs compacts ne donnant pas prise à l’incendie13 ».
 

Une course au linéaire

Après-guerre, le bâtiment des archives devient trop exigu face à l’accroissement des fonds et de la production documentaire. En 1972, un nouveau bâtiment, imaginé par Guy Caubert de Cléry, voit le jour avenue Saint-Symphorien. D’une capacité de stockage de 10 km linéaires, il est saturé à la fin des années 80. Le bâtiment près de la préfecture reste un dépôt annexe et un centre de pré-archivage durant près de 20 ans.
En 1993, un nouvel édifice est construit rue des Vénètes par les architectes B. Guillouët et P. Vallée avec une capacité triplée. Le bâtiment est classé patrimoine remarquable du 20e siècle. Aujourd’hui, l’extension prévue dès l’origine du projet est en cours de réalisation, cent ans après la construction du premier bâtiment dédié exclusivement aux archives. 

 

Lieu

Capacité

1793

Palais de la motte

 

1866

Préfecture

3 kml

1921

Rue Alain Le Grand

6 kml

1972

Avenue Saint Symphorien

10 kml

1993

Rue des Vénètes

30 kml

Notes de l'auteur

  1. Extrait des délibérations du 25 août 1910. 3 T 30
  2. Rapport annuel de 1911
  3. Lettre de l’architecte au préfet du 30 juillet 1906. N 783
  4. Circulaires du 8 août 1839 et 3 mars 1843.
  5. Extrait des délibérations du 25 août 1910. 3 T 30
  6. Lettre de l’architecte au préfet du 30 juillet 1906. N 783
  7. Extrait des délibérations du 4 avril 1910. N 783
  8. Extrait des délibérations du 25 août 1910. 3 T 30
  9. Lettre de l’architecte au préfet du 15 février 1909. N 783
  10. Extrait des délibérations du 25 août 1910. 3 T 30
  11. Rapport annuel de l’archiviste de 1921-1922. 3 T 30.
  12. Rapport annuel de l’archiviste de 1921-1922. 3 T 30.
  13. Rapport annuel de l’archiviste de 1940. 3 T 30
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